Le Manger

Au travers de son blog, Le Manger, Camille, journaliste aux Philippines nous entraîne dans un voyage de saveurs surprenantes, dépaysantes, fascinantes ! Des recettes qui racontent surtout des histoires, des reportages, des fruits bizarres et biscornus… Bref, un blog culinaire pas tout à fait comme les autres, on adore !

Pourquoi avez-vous créé votre blog Le Manger ?
J'ai quitté Paris il y a quelques mois pour me lancer dans le reportage en freelance. Je suis à présent basée aux Philippines. Sur mon chemin, je goûte, observe, apprends plein de choses que j'ai souhaité partager avec d'autres curieux via ce blog. Quentin Gaudillière, qui fait de très belles photos, m'a beaucoup aidée. Il y a un côté carnet de route, un côté enquête, un côté recherche, ce qui semble plaire. Nous sommes en effet nombreux à nous passionner pour les fruits bizarres, les nouvelles recettes ou les traditions culinaires abracadabrantes.

Quel est le fil directeur de votre blog ?
Le blog Le manger, ce n'est pas seulement ce que l'on mange. C'est aussi comment on le mange, avec qui, à quelle occasion... Il y a une diversité infinie à explorer. La culture du goût est très forte, très ancrée et résiste assez bien à la mondialisation. Au fil de mes voyages, je découvre des modes de vie, des goûts, des traditions qui m'intriguent. Le but est de les présenter simplement pour faire voyager le lecteur. Parfois, il est inutile de chercher bien loin. Par exemple, le steak tartare a des origines métissées surprenantes. Bref, le voyage peut nous prendre par surprise.

Votre blog regorge de reportages. Quelle expérience vous a particulièrement marquée ?
J'ai passé un grand moment au cimetière de Manille pour la Toussaint. C'était la fête ! Les enfants dansaient, les parents pique-niquaient sur les tombes dans la joie et la bonne humeur. Le cimetière était noir de monde, plein de musique et de rires. Des vendeurs de barbe à papa, des cochons à la broche et même un Pizza Hut improvisé au milieu, c'était fou ! Un vrai moment de partage et de célébration. Je ne verrai plus jamais la Toussaint de la même manière.

Pourquoi présentez-vous plus spécifiquement l’Asie, sa cuisine et ses produits ?
J'adore l'Asie, mais ma vraie passion, ce sont les îles en général. Des univers à part entière. J'ai eu ma phase Islande, puis Groenland, puis Japon, etc. Mais aux Philippines, il y a eu quelque chose en plus. Je me sens là-bas chez moi, véritablement. L'accueil chaleureux des Philippins, les paysages sublimes et les récifs coralliens y sont sûrement pour quelque chose. Pour l'instant, je suis basée là-bas et je rayonne autour. Mais rien n'exclut de continuer l'aventure dans d'autres contrées.

Quelle est la recette de votre blog la plus plébiscitée ?
Étrangement, le kinilaw, le sashimi traditionnel philippin. Mais ce n'est pas seulement une recette, je livre l'histoire du plat, en remontant aux origines ethniques des Philippines. Je fais rarement des recettes pour faire des recettes. Le but est toujours de raconter une histoire. Sinon, tendance oblige, les recettes japonaises – onigiri, temari sushi etc - fonctionnent très bien.
 
Au cours de vos voyages, quel restaurant vous a le plus émerveillée ?
À Manille, j'ai pu rencontrer les chefs d'Inagiku, mon restaurant japonais préféré, tous pays confondus. Un vrai festin, taillé sur mesure. Avec de la papaye fourrée aux huîtres, à essayer absolument ! J'adore aussi les petits bouis-bouis, notamment près des marchés. Manger du King Crab à peine sorti de l'eau à 5 heures du matin, les pieds dans la neige au Nord du Japon, c'est le bonheur.
 
Qu’est-ce qui vous séduit dans un produit ?
Un produit me séduit d'abord par la vue, l'odeur, le goût... Puis il y a son origine, son histoire, les usages que l'on en fait, les traditions qui l'accompagnent... Tout produit peut être intéressant et surprenant, ce n'est qu'une question d'angle. L'idée de “produit noble” n'a de sens que dans une culture donnée à un moment donné. Prenez le homard : au 18e siècle aux États-Unis, on le donnait aux veuves et aux orphelins  ! Et ce n'est pas parce qu'un produit ne nous semble pas exotique ou joli qu'il n'a pas une histoire passionnante. J'aime défendre les produits moches.

Selon vous, quels produits asiatiques mériteraient d'être mieux connus des européens ?
Dans les produits manufacturés, il y a le ketchup de banane. Et la glace au fromage. C'est fabuleux. Sinon, pour faire simple, les petites mangues jaunes des Philippines sont les meilleures du monde. Dommage qu'on ne mange que des sud-américaines ou des africaines chez nous.

De toutes les choses que vous avez goutées, laquelle fut la plus « exotique » ?
C'est difficile de savoir, quand on vit ailleurs, ce qui est exotique au final. Surtout en Asie. Nos deux continents communiquent depuis si longtemps qu'on a toujours quelques repères. Par contre, le Groenland, c'était vraiment un autre monde. La soupe de sang avec un gros morceau de phoque dedans, c'est dur. Une viande extrêmement ferme et filandreuse, sèche, au goût faisandé et à l'arrière-goût de poisson, presque impossible à apprécier pour un Européen. Par contre, la baleine, c'est un vrai régal.

 

Entretien réalisé le 16/12/2011